Changement de cap en matière de logement!

Articles de presse

4. Oktober 2021

Le Luxembourg est un pays riche qui offre une grande qualité de vie, mais de nos jours, de plus en plus de personnes ont du mal à en bénéficier. La flambée des prix de l’immobilier rend l’accès au logement de plus en plus difficile. Cette flambée sape la résilience et la cohésion de notre société. Un gouffre se creuse entre ceux qui ont un accès à la propriété, souvent par leur capital d’ancrage, et ceux qui n’ont pas les moyens pour participer au marché immobilier. Les loyers accaparent ainsi une part grandissante des revenus des ménages et l’endettement excessif des ménages risque de se transformer en catalyseur de problèmes sociaux en cas de divorce ou de chômage.

La montée des prix du logement ne s’explique pas uniquement par une croissance démographique et économique soutenue, mais également par les choix politiques du passé. Depuis la première guerre mondiale et même encore aujourd’hui, les gens sont incités à investir dans la pierre. Cet investissement a toujours été une valeur sûre qui a de plus été encouragé par des avantages fiscaux, permettant de cumuler des biens immobiliers. L’évolution des taux d’intérêts avantageux attire encore plus d’investisseurs sur un marché du logement déjà en surchauffe. Les jeunes couples et familles se retrouvent ainsi face à des investisseurs beaucoup plus puissants en quête d’un rendement sûr.

Face à cette urgence, il faut agir, sans répéter les erreurs du passé.

Là où l’on peut clairement contrôler les prix de l’immobilier c’est au niveau des logements publics. Ce gouvernement est en train de dédoubler d’effort pour acquérir de nouveaux terrains constructibles et construire le plus rapidement possible. Le nouveau Pacte Logement opère ici un changement de paradigme : chaque nouveau projet de construction doit dès à présent inclure une partie importante de logements publics et abordables.

Mobiliser les terrains

Un des grands freins pour une construction dynamique est que la grande majorité des terrains appartient à quelques propriétaires privés et à des sociétés. Il faut briser les stratégies de rétention et de spéculation pratiquées par ces acteurs. L’impôt foncier doit ainsi devenir un outil supplémentaire pour combattre la crise du logement et inciter les propriétaires privés à mobiliser leurs biens. Cet outil peut être également utilisé pour une densification qualitative des villes, là où les infrastructures sont présentes et peuvent être utilisées de manière optimale.

Si l’on considère le potentiel foncier disponibles pour l’habitat de 2 950 ha, un tiers pourrait être mobilisé à court terme et loger jusqu’à 100.000 personnes. Ces terrains sont déjà viabilisés et ne nécessitent pas de voiries supplémentaires. J’ai étudié la question des « Baulücken » plus en détail et il est tout à fait réaliste de mobiliser ces terrains à travers des contrats de mise à disposition. La majorité des terrains constructibles, à savoir 94%, appartiennent à des personnes privées. Cependant, les gens ne sont pas disposés à s’en séparer si facilement. Une mise à disposition de 3, 5, 7 ou encore 10 ans via le droit de superficie ou un bail à ferme, permet de faciliter le dialogue avec les propriétaires. À travers une courte mise à disposition, l’état pourrait répondre à une demande urgente en logement. Cela n’est pas la solution à long terme, mais peut répondre à court terme aux besoins des familles monoparentales, des personnes à mobilité réduite, ou des personnes qui ont dû quitter un logement insalubre. L’on peut également imaginer de la colocation multigénérationnelle ou encore de l’habitat participatif. Cela peut être un logement transitoire pour les personnes en attente d’un logement auprès du Fonds du Logement ou la SNHBM.

Afin de pouvoir remettre le terrain en état à son propriétaire, une construction non-invasive à travers une architecture modulable serait la solution optimale. Étant donné que nous sommes sur du modulable, cela s’inscrit également dans une approche d’économie circulaire. En fonction de la durée du bail proposé, différentes solutions et différents types d’habitat peuvent être offerts.

Créer de nouveaux logements, pas de nouveaux millionnaires !

Le problème principal pour la construction de logements abordables est le manque de terrains. La création du fonds spécial au développement du logement permet à l’État d’agrandir sa réserve foncière. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui réclament une extension du périmètre constructible. Mais une extension aveugle du périmètre pose de nouveaux problèmes. Pas seulement en termes de biodiversité et d’adaptation au climat – les récentes inondations en sont un exemple – mais aussi en termes d’équité sociale. Trop souvent, l’extension du périmètre a seulement permis aux propriétaires de terrains et aux spéculateurs de devenir encore plus riches, sans que cela ait mené à plus de logements abordables.

Il convient donc de s’accorder sur une stratégie nationale pour faire en sorte que toute extension du périmètre soit faite de façon ciblée et intelligente. Cette stratégie, à élaborer en dialogue avec les communes, pourrait se baser sur plusieurs critères. Etendre le périmètre uniquement là où des infrastructures existantes permettent d’accueillir des nouveaux quartiers et conditionner l’extension à la création de nouveaux logements abordables. Il faut également aborder une question fondamentale d’équité sociale : la taxation des plus-values. En effet, la valeur du terrain est essentiellement déterminée par le développement économique et les infrastructures publiques. Une autre façon de résoudre ce problème est d’étendre le périmètre sous condition que les terrains aient été acquis par la main publique avant l’extension.

Repenser le vivre ensemble

Les promoteurs privés auraient toujours la possibilité de participer, en se conformant à un Plan d’aménagement particulier (PAP) développé par les pouvoirs publics. Ceci est important afin de pouvoir diriger la vie de quartier de manière à répondre à un intérêt commun et communautaire. Un plan développé par les pouvoirs publics permettrait de repenser le développement des quartiers de manière générale pour garantir une qualité de vie, des quartiers inclusifs et des logements abordables.

Avoir une bonne mixité permet une bonne intégration et une appropriation de son quartier. On devrait y retrouver des espaces pour des activités communes où se développerait la vie culturelle et artistique. Des cafés, des locaux pour des start up, des commerces de proximité, des espaces verts et surtout des espaces dédiés à des activités sociales et durables, comme des jardins communautaires qui doivent faire partie de la vie d’un quartier. Repenser le déplacement au sein des quartiers est primordial. Il faut redonner la notion d’échelle humaine et placer l’être humain au centre du développement urbain.

Notre société évolue et notre façon d’habiter aussi. Nous devons revoir la façon dont nous planifions nos quartiers et nos villes en nous posant les bonnes questions : de quoi a-t-on réellement besoin pour être heureux ? Le partage est un élément clé de l’être humain mais aussi du futur et j’ai l’impression que les nouvelles générations voient cela comme un atout plutôt qu’un inconvénient.

Quand j’évoque le partage, je ne parle pas seulement de la voiture, du vélo ou encore des outillages à emprunter dans un repair café, mais je pense également aux éléments qui constituent notre habitat. Afin de suivre la voie d’une économie circulaire, un nouveau modèle serait celui où l’on ne possèderait plus ses fenêtres, sa chaudière, ses panneaux de façade ou les panneaux photovoltaïques sur son toit. La chaleur pourrait être fournie par un réseau urbain écologique et les éléments qui constituent notre habitat pourraient être mis à disposition et récupérés en fin de vie par le fournisseur pour être réutilisés ou recyclés de manière durable.

 

Semiray Ahmedova est députée déi gréng et présidente de la commission parlementaire du logement.

Cet article est paru dans le Luxemburger Wort du 2 octobre 2021.

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